Violence conjugale: les maisons d’hébergement pour femmes débordent

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. Ces jours-ci, les maisons d’hébergement pour femmes débordent. Dans le Grand Montréal comme dans la capitale nationale, leur taux d’occupation dépasse fréquemment 100 %, ce qui les force à refuser certaines personnes. Une situation jugée préoccupante.

Édith Mercier est directrice de la Maison du coeur, un organisme de Québec qui héberge de façon quasi continuelle une quinzaine de personnes à la recherche d’un refuge d’urgence. Or, depuis le 1er novembre, elle a déjà dû refuser 7 femmes et 19 enfants pour cause de manque de place.

« Cette situation nous préoccupe énormément. Quand ces femmes-là appellent chez nous et que je dois les référer à d’autres maisons, en espérant qu’elles y trouvent une chambre, que pensez-vous qu’il arrive ? Si elles ne trouvent pas un refuge et qu’elles ne nous rappellent pas, elles restent plus longtemps dans leur milieu de violence », explique-t-elle.

Sa maison d’hébergement fait partie d’une alliance qui en regroupe huit dans la région de la capitale nationale. Ensemble, elles offrent à la population une centaine de places. Quand une femme appelle, mais que ses chambres sont toutes occupées, Mme Mercier lui donne les numéros des autres maisons de la région.

« On lui dit de nous rappeler si elle ne trouve pas de place ailleurs pour qu’on l’aide à trouver une alternative. Mais souvent, ces femmes-là ne nous rappellent pas », affirme-t-elle.

« Quand elles se font refuser une chambre une fois, deux fois ou trois fois, leur courage pour partir est passé. »

Même son de cloche à Montréal

Cette problématique n’est pas unique à la capitale. La Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHM), qui regroupe 36 maisons réparties dans 10 régions du Québec, affirme que les listes d’attente s’allongent partout en province. Chaque année, les maisons refusent entre 6000 et 10 000 demandes d’hébergement.

À Montréal seulement, entre les années financières 2012-2013 et 2016-2017, le taux d’occupation annuel des maisons d’hébergement membres de la Fédération est passé de 92 % à 99 %. En Montérégie, qui inclut Longueuil, le taux est passé de 72 % à 89 % sur la même période.

« On a déjà eu une femme de Montréal dont le cas a été transféré à une maison d’hébergement à Maniwaki, en Outaouais. Cette femme avait un enfant qui devait être suivi à l’hôpital Sainte-Justine une fois par semaine. C’est sûr qu’elle ne pouvait pas aller à Maniwaki », explique Manon Monastesse, directrice de la FMHM.

« On essaie au maximum d’accommoder les femmes au moment où elles appellent, mais si la [solution immédiate en attendant qu’une place se libère] est de les envoyer dans une autre région, c’est à elles de prendre la décision si elles veulent. Cette situation est un obstacle supplémentaire à l’accès aux services », juge-t-elle.

Des périodes cruciales

Louise Riendeau, coordonnatrice au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, rappelle aussi que « lorsqu’un conjoint ne décroche pas, c’est soit au moment où il apprend que sa femme veut partir ou peu de temps après qu’elle est partie qu’il [est] le plus à risque de commettre un homicide ».

« Si la femme a dit à son conjoint qu’elle allait partir, elle peut se retrouver à risque en cohabitant avec lui au moment où elle veut mettre fin à la relation », rappelle- t-elle.

Appuyées par le Parti québécois, des directrices de maison d’hébergement se sont réunies il y a quelques jours à l’Assemblée nationale pour réclamer d’être rapidement consultées pour évaluer le dernier plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale et pour élaborer le prochain. Au cabinet d’Hélène David, ministre de la Condition féminine, on répond que des consultations seront organisées à ce sujet en 2018.

Violence sexuelle: «on travaille pour la suite des choses», dit Hélène David

La santé et la sécurité des femmes sont au coeur des travaux parlementaires ces jours-ci à Québec. La Presse a révélé hier que le fonds d’urgence annoncé par le gouvernement Couillard pour venir en aide aux femmes victimes de violence sexuelle était largement insuffisant pour les besoins des organismes qui les soutiennent. La ministre de la Condition féminine, Hélène David, a réitéré hier qu’elle travaillait pour la suite des choses.

« On l’a bien dit que c’était une aide d’urgence. Une aide d’urgence, ça se compte en semaines. […] J’organise un forum [en décembre] avec tous mes collègues de la Sécurité publique, de la Justice, de la Santé et de tous les domaines qui sont liés à cette problématique. On travaille pour regarder quels sont les besoins. On sait que les besoins sont très grands », a-t-elle affirmé.

Du côté de l’opposition, tous les partis ont réclamé hier un meilleur soutien aux organismes qui viennent en aides aux victimes de violence conjugale. La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a quant à elle énoncé cinq propositions à la ministre David. Elle l’encourage entre autres à mettre sur pied un fonds consacré aux femmes qui souhaitent obtenir des conseils juridiques au moment de déposer une plainte et à adopter un modèle élaboré à Philadelphie, qui consiste à revoir avec des experts et des enquêteurs les plaintes pour agressions sexuelles qui n’ont pas mené à des accusations au cours des cinq dernières années, pour s’assurer que les enquêtes ont été bien menées.

Sources : La Presse

crédits photo : Martin Chamberland